La DEFSEL : l’école de français des Kenyan Defence Forces depuis 30 ans
Au cœur de Langata Barracks, caserne des Kenyan Defence Forces dans la banlieue proche de Nairobi, se trouve la DEFSEL, la Defence Forces School of Education and Languages. Depuis 1991, cet établissement enseigne en particulier le français à une sélection d’officiers, sous-officiers et militaires du rang de l’armée kenyane. Les stagiaires sont engagés dans une formation intensive d’apprentissage du français, sur une période d’environ 15 mois, leur permettant d’atteindre un niveau de langue avancé, aussi bien à l’écrit qu’à l’oral, en français général ainsi qu’en français spécialisé dans le domaine professionnel militaire.
Auparavant DEFSHE (Defence Forces School of Higher Education), l’école de Langata Barracks a changé de nom en 2019, souhaitant remettre l’accent sur son programme d’apprentissage des langues. Dans une volonté plus générale d’assumer pleinement un rôle de formation de qualité pour ses contingents, et non plus seulement d’éducation supérieure, la DEFSEL offre des formations de formateurs, des formations techniques et des formations en langues. Des cours ponctuels de somali sont organisés, mais seul le français est la langue enseignée de manière ininterrompue et approfondie, occupant donc une place de choix dans l’offre de cours de l’école.
Le programme d’enseignement du français de la DEFSEL utilise les standards du CECRL, le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues et son échelle de niveaux : A1 (niveau débutant), A2 (niveau élémentaire), B1 (niveau intermédiaire), B2 (niveau avancé). Ces niveaux sont officiellement validés par la passation et l’obtention du DELF, le Diplôme d’Études en Langue Française.
En 30 ans d’activité, le programme d’enseignement du français a organisé 30 sessions de français niveau A1, pour des groupes d’environ 15 étudiants, soit un total de 414 stagiaires. En 2016, le programme s’est agrandi, puisque le nombre d’étudiants validant un niveau B1 s’est avéré de plus en plus important. Des sessions de niveau B2 ont été ajoutées au programme pour permettre de parfaire et parachever la formation des stagiaires.
L’engagement de la DCSD pour l’enseignement du français
Cet ambitieux programme de formation doit son existence et sa réussite au partenariat entre la France et le Kenya permis par la Direction de Coopération Sécurité Défense du Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères français. Ce partenariat, supervisé par la mission défense de l’ambassade de France au Kenya, prévoit un suivi du programme et le financement de moyens conséquents pour garantir un enseignement de qualité du français dans l’armée kenyane.
Chaque année, un lecteur ou une lectrice FLE est missionné-e pour la DCSD par l’association AGIR pour rejoindre l’équipe enseignante de la DEFSEL. La présence d’un-e enseignant-e français-e qualifié-e assure à la fois le standard linguistique de la formation, et permet d’accompagner les autres instructeurs dans le maintien sur le long terme de leur compétence en français, indispensable à l’activité pédagogique de l’école.
En effet, la formation produit ses propres professeurs, pérennisant les possibilités d’enseignement du français au sein de la DEFSEL. Parmi les élèves, les officiers d’éducation kenyans qui atteignent le niveau B2 peuvent poursuivre leur carrière comme enseignants de français, sous garantie de la poursuite de leur apprentissage de la langue jusqu’aux niveaux supérieurs de compétence (niveaux C1 et C2 du CECRL). En cela, la DCSD leur permet d’être accompagnés par la présence du lecteur ou de la lectrice FLE, mais également d’être formés en France grâce à des stages au CIFR, Cours International de Français de Rochefort. Durant ces stages, d’un ou quatre mois, les anciens étudiants DEFSEL suivent une formation de grande valeur, aussi bien en terme de perfectionnement linguistique que de pratique pédagogique, directement en France.
La DEFSEL est également soutenue par les fonds de la DCSD, par l’entremise de la Mission Défense de l’Ambassade de France au Kenya, pour s’équiper et fournir les meilleures conditions d’apprentissage à ses étudiants de français. En avant !, manuel de français spécialisé pour les professionnels de la paix, est un outil indispensable, créé conjointement par le MEAE, la DCSD, et l’OIF, Organisation Internationale de la Francophonie. Les deux salles de classe de français de la DEFSEL comprennent chacune du matériel adapté à un enseignement moderne, à savoir un ordinateur, une connexion wifi, un projecteur, un écran, et un système son de qualité. Les étudiants disposent également de dictionnaires qui les accompagnent tout au long de leur formation, et la bibliothèque de l’école est régulièrement approvisionnée en ouvrages francophones.
Enfin, dans une volonté d’ouverture des étudiants militaires à une approche compréhensive de l’apprentissage du français, l’Ambassade de France au Kenya permet également une collaboration de la DEFSEL avec l’Alliance Française de Nairobi. Pour compléter leur formation, et diversifier leur contact avec la langue française, les stagiaires sont accueillis chaque semaine dans les locaux de l’Alliance Française de Nairobi pour des ateliers débats, des clubs lectures, etc. Il s’agit de proposer une plus grande authenticité dans l’utilisation du français, nécessaire au développement de la connaissance et de la maîtrise d’une langue. Les étudiants actuels, 11 avancés (B2), et 13 intermédiaires (A2), gardent un souvenir ému de leur récente rencontre avec l’écrivain francophone Alain Mabanckou.
Pourquoi apprendre le français dans les forces armées kenyanes ?
Le contexte anglophone du Kenya ne contre indique pas l’apprentissage du français en milieu militaire, au contraire. Le français y est un atout, une valeur ajoutée certaine dans la formation des militaires. Soutenu par le travail de la coopération linguistique de l’Ambassade de France au Kenya, l’enseignement du français est déjà fort répandu dans les écoles kenyanes. C’est donc une compétence que la DEFSEL se propose d’approfondir pour ses militaires, dans sa logique de formation complémentaire de qualité.
La présence de voisins francophones proches, comme le Burundi, Djibouti, ou bien sûr la République Démocratique du Congo, récemment intégrée dans la Communauté d’Afrique de l’Est, fait du français une langue supplémentaire précieuse, a fortiori dans le milieu militaire. Les stagiaires de la DEFSEL forment un contingent privilégié pour participer directement aux opérations conduites dans ces pays, ou réaliser d’autres tâches linguistiques (traduction, interprétariat) liées à ces opérations.
Par ailleurs, dans la zone régionale, les opérations de maintien de la paix réunissent régulièrement des soldats d’origine diverses, y compris des pays francophones d’Afrique de l’Ouest. Dans un contexte onusien, où le français est langue officielle, la compétence en langue française ne peut qu’être appréciée chez des militaires kenyans anglophones. Dans la marine, la logique stratégique liée à l’Océan Indien, et les possibilités d’escales à la Réunion, Mayotte, les Comores, et même Madagascar, créent pour la marine kenyane un besoin de contact minimum de ses forces avec la langue française. En plus de la DEFSEL, qui compte déjà quelques élèves issus de la Navy, un programme supplémentaire d’enseignement du français a été mis en place en 2020 par la Mission de Défense, en collaboration avec l’Alliance Française de Mombasa, sur la base marine de Mtongwe.
Enfin, le partenariat entre la France et le Kenya pour l’apprentissage du français facilite l’intégration d’un stagiaire de la DEFSEL à l’École de Guerre française. La participation de cadres kényans à des formations proposées tant au sein des écoles de formation en France que des écoles nationales à vocations régionales (ENVR) est ainsi vouée à augmenter.
Ainsi, le dispositif d’enseignement de la langue française en milieu militaire kenyan répond à un vrai besoin, et à une volonté de participer aux opportunités de formation et de carrière des Kenyan Defence Forces. Grâce aux moyens complémentaires de la DCSD et à l’action de la Mission Défense de l’Ambassade de France au Kenya, ce programme d’enseignement perdure et assure des stages de français de grande qualité aux élèves sélectionnés. La tendance est aujourd’hui à la modernisation des moyens et de la pédagogie mise en œuvre à la DEFSEL, afin de garder un standard d’excellence et permettre aux stagiaires d’accéder aux opportunités les plus nombreuses possibles, et ainsi valoriser l’utilisation du français comme langue de travail internationale en milieu militaire.
Madame Jasmine Kauffmann, lectrice FLE au Kenya
Rencontre des étudiants de la DEFSEL avec l’écrivain congolais francophone Alain Mabanckou en mars 2022 à l’Alliance Française de Nairobi.
Le programme Lecteurs FLE pour la coopération de sécurité et de défense
Le programme Lecteurs FLE pour la coopération de sécurité et de défense est un programme de la Direction de la Coopération de Sécurité et de Défense du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Missionnés par l’association AGIR et placés sous l’autorité de l’Attaché de Défense ou de l’Attaché de Sécurité Intérieure, les lecteurs FLE sont généralement affectés dans des établissements militaires ou académies de Police de pays partenaires de la France.
Les missions principales des lecteurs FLE sont l’enseignement du FLE/FOS au sein des établissements d’accueil et la préparation des personnels militaires à des formations et concours en langue française. D’autres missions peuvent être confiées au lecteur, suivant les lieux d’intervention, comme la création de ressources pédagogiques, la participation à des sessions d’examen, la formation de formateurs ou encore l’animation d’équipe pédagogique.
Plus de 50 missions sont proposées chaque année !